Introspections, rêves et chimères

by Thierry Tessier

A travers ses dessins d’une rare puissance, nous remarquons la force de l’âme humaine qui est la fusion d’une douceur innocente et de secrets inavoués. La force du tracé se fait par l’accumulation, la mine de plomb offre à l’artiste la possibilité de retranscrire la profondeur d’une âme humaine par l’accumulation des formes, du tracé et des dégradés. Oeuvre sensible, le spectateur découvre un dessin aux doux accents d’onirisme et de questionnements. Cette approche est encore renforcée dans les sculptures d’Emma Vidal qui mêle les arts premiers avec leur échos chamanique et ancestral et des détails du quotidien actuel comme des punaises en laiton de bureau. Tel une statuette d’Afrique central qui est recouverte de clous pour chasser le mal, Emma Vidal recouvre quelques unes de ses oeuvres de punaises en laiton pour chasser le cauchemar contemporain. Nous pourrions disserter longuement sur cette approche, sur l’évocation de l’or par le laiton, sur l’accumulation, sur l’aspect primaire des formes... Il en ressort surtout une sculpture puissante et une esthétique qui nous rappelle à chacun nos cours d’histoire des civilisations et d’histoire de l’art. Cette réinterprétation, cette réécriture est une plongée vers notre fort intérieur le plus primaire. Ces oeuvres nous plongent vers notre relation à l’histoire, à l’Autre, mais aussi la notion de néo-colonialisme, et la soit-disant supériorité du modèle occidental. Est-ce que nos ancêtres n’étaient pas plus heureux, plus prosaïques en repoussant le ‘Mal’ par une chimère identifiable. Alors que nous crions : chômage, crise économique, extrémisme religieux, obscurantisme, ne faisons nous pas l’apologie du mal en n’osant point le nommer réellement? Ne devrions-nous pas, assumer, que le mal est quelques fois dans la nature humaine. Et chacun d’entre nous devrait apprendre à maîtriser cette tendance au risque de la voir nous submerger? Quand nous observons les oeuvres d’Emma Vidal, voici une partie des réflexions qui traversent un esprit du XXIème siècle. Voici des oeuvres qui interrogeront toujours dans cent ans et il serait fort intéressant de constater que les questionnements seront certainement les mêmes, car la nature humaine reste la même. Emplie de doutes, de force, de peurs mais aussi de beauté et de grandeurs. C’est la définition même de l’Existentialisme d’Albert Camus (1913-1960). A n’en pas douter que ces oeuvres conserveront toujours leur pertinence. La plongée que nous offre Emma Vidal sur notre soi est une douce ouverture sur notre inconscient toujours présent.